Ce livre est le récit par un anthropologue, Bernard Müller, d’un projet qui semblait a priori improbable : une exposition d’art contemporain dans un pays sortant de presque trente ans de guerre civile. L’artiste angolais Antonio Ole et le duo artistique français Art Orienté objet se rencontrent en 1996 à Copenhague, alors capitale culturelle, à l’occasion d’une exposition commune. Dans l’enthousiasme communicatif du projet de résidence « Veilleurs du monde », initié par AOo, qui venait de se dérouler au Bénin, ils décident alors de reconduire une expérience similaire en Angola. Mais l’Angola est pris depuis des décennies dans la tourmente d’une guerre civile qui n’en finit pas, Luanda, la capitale, est engluée dans un climat de désolation, de suspicion, et prise dans une violence qui ne demande qu’à exploser à tout moment. 2002 amène une paix soudaine, le conflit semble s’être éliminé d’un coup à la mort du leader d’un des deux camps. C’est en 2005 que le projet voit enfin le jour : un séjour à Kissama, réserve « naturelle » animalière que la volonté présidentielle a érigée en modèle décalé de la résurrection après le chaos, sur un terrain gagné aux mines anti-personnel et avec des animaux importés d’Afrique du Sud, est le point de départ de la réflexion des artistes. Ils développeront, par le biais de l’installation, de la photographie et de la vidéo, une méditation sur les fragilités de l’existence lorsqu’elle est prise dans les tourments d’une guerre et d’une paix dont la promesse reste peut-être illusoire, et témoigneront à leur manière de l’hébétude dans laquelle les plonge la vision d’un pays qui passe sans transition d’un état de guerre à une soif de profit attisée par des richesses naturelles inouïes.

Cette exposition s’est déroulée à la forteresse Sao Miguel de Luanda (Angola) du 15 avril au 11 mai 2006 et a été présentée de nouveau à l’Alliance Française de Paris du 9 novembre au 1er décembre 2006.

Texte de Bernard Müller, anthropologue à l’EHESS.
Textes de Art Orienté objet et de Antonio Ole.